Les campagnes d’Alexandre
« La raison principale pour laquelle Alexandre envahit la Perse fut, sans aucun doute, qu’il ne lui vint jamais à l’esprit de ne pas le faire ». Par cette phrase, l’historien anglais William Tarn voulut indiquer que l’idée de la conquête revenait en grande partie à Philippe II.
La conquête de l’Asie : exutoire aux querelles entre Grecs
Ce n’est plus du Grand Roi qu’Isocrate attend désormais l’arbitrage qui mettrait fin aux querelles des Grecs, mais de Philippe, dont la puissance militaire lui paraît seule capable de réaliser l’unité grecque et de mener à bien l’essentiel : la conquête de l’Asie. Car seule cette conquête permettrait de résoudre le dangereux problème des bandes de mercenaires ; seule, elle fournirait une solution aux problèmes agraires. (1)
Accéder à de nouveaux marchés
Graines de coriandre
Le commerce des aromates était devenu, dans toutes les grandes villes du monde grec, aussi important que celui des vins, eux-mêmes parfumés. En réalité, Athènes n’avait alors rien d’autre à vendre que des produits de luxe.
L’ouverture de nouveaux marchés fut peut-être la raison principale de l’expédition d’Alexandre (336-323), étant bien admis que les Grecs prétendaient acheter les matières premières en Afrique, à Chypre ou en Asie au meilleur compte et les revendre, élaborées, cent ou deux cents fois plus cher. (2)
L’enthousiasme et l’ignorance des débuts
On doit à Aristote, le penseur de la cour de Macédoine et en partie l’inspirateur de la politique de Philippe, d’avoir su distinguer plusieurs sortes de causes aux phénomènes et notamment les causes initiales et les causes finales.
Disons avec lui que les hommes qui, au printemps de 334, montaient en longues colonnes et avec leurs 3 000 chariots vers les rives boueuses du Granique avaient deux raisons au moins d’entreprendre : la confiance en l’instrument forgé par Philippe et l’espoir d’en tirer le meilleur parti.
Mais même les lecteurs d’Homère et de Xénophon ignoraient combien peu d’entre les combattants reviendraient. Ils n’avaient aucune idée des blessures, des maladies, des invalidités qui les attendaient, aucune idée non plus de l’itinéraire qu’ils allaient parcourir et de la nature inhumaine qu’ils allaient affronter.
On leur avait tellement dit qu’ils n’allaient rencontrer sur les côtes d’Asie que des Grecs, que les Barbares étaient incapables de résister à l’armée la plus forte et la plus disciplinée du monde, que Parménion et Attale avaient vaincu les esclaves de Darius et de Memnon, son général, pendant deux ans déjà, que les présages de l’Olympe étaient tous favorables, que les éclaireurs et les espions connaissaient parfaitement la route, que le jeune roi avait la Fortune de son côté !… (3)
Un formidable complexe de supériorité qui protège de la peur
La phalange macédonienne – Film Alexandre d’Oliver Stone
Les généraux macédoniens auraient dû être épouvantés par l’énormité des masses humaines qu’ils s’étaient mis en tête de conquérir et dont ils n’avaient jamais soupçonné le nombre ni les ressources.
S’ils n’éprouvaient cependant aucune inquiétude devant elle, c’est qu’un formidable complexe de supériorité les cuirassait contre la peur. Ils étaient certains de détenir – et détenaient effectivement – une connaissance du monde physique infiniment plus poussée que celle de tous les autres peuples d’Asie.
L’avance qu’ils avaient prise dans le triple domaine de la dialectique, des mathématiques et de la géométrie équivalait pour eux à la possession d’une arme secrète. Elle leur donnait un sentiment d’invincibilité absolue. (4)
Il faut tout conquérir pour tout préserver durablement
Quels effectifs faudrait-il pour soumettre durablement les populations iraniennes que l’on n’avait mission que de punir ? Certains songeaient sans doute à se retirer aussitôt après avoir ravagé le cœur de l’empire ennemi. Mais c’était méconnaître les liens que la géographie et l’histoire tissent entre le plateau iranien et les plaines de la Mésopotamie et du Tourân.
Alexandre découvrira bientôt que tout se tient, à l’est de l’Euphrate, qu’il y faut tout conquérir pour tout préserver durablement et que seul un gouvernement despotique peut régir cette immense diversité. Mais beaucoup refuseront de le suivre dans cette aventure, ou ne l’y suivront qu’à regret. (1)
Reconstruction du fort de Kurgansol près Baysun en Transoxiane
À Kurgansol près de Baysun en Transoxiane, les archéologues ont mis au jour l’une des premières forteresses construites par Alexandre pour sa campagne au-delà de l’Oxos vers les steppes du nord de l’Asie centrale, Maracanda (Samarcande) et le Ferghana.
Le fort a été construit à la fin du quatrième siècle avant J.-C. et a été gardé durant 200 ans. Il est situé sur une crête dominant la vallée de l’Oxos à travers laquelle une ancienne route conduit au col connu sous le nom de Portes d’Alexandre ou Portes de Fer à Derbent.
L’Inde : une exploration plutôt qu’une conquête
Les chefs les plus rapprochés des bords de l’Indus firent appel au patronage d’Alexandre conte les rajahs établis entre l’Hydaspe et l’Hyphase ; Alexandre, de son côté, se laissa probablement entraîner par un intérêt de curiosité : il voulut connaître cette portion du globe, sur laquelle l’antiquité ne possédait encore que des notions vagues.
En somme, cette pointe vers l’extrême Orient fut plutôt une exploration qu’une conquête. Tout tend à prouver qu’Alexandre ne rapporta de son expédition lointaine que le désir de vivre en paix avec des peuples qui n’avaient grâce à leurs mœurs et à leurs institutions sociales, aucun besoin de sa tutelle.
Établir entre les deux mondes un grand courant d’échanges est une ambition à coup sûr très avouable et qui ne rabaisse en rien le caractère du grand homme dont la gloire venait d’atteindre son apogée. (5)
(1) Edouard Will - Le monde grec et l’Orient
(2) Paul Faure - Parfums et aromates de l’Antiquité
(3) Paul Faure - La vie quotidienne des armées d’Alexandre
(4) Jacques Benoist-Méchin - Alexandre le Grand
(5) Amiral Jurien de la Gravière - Campagnes d’Alexandre dans l’Inde - tome IV
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