Un appel pathétique à la liberté
Aux portes de l’Inde, l’armée d’Alexandre le Grand, épuisée, se révolte contre son chef qui veut l’entraîner malgré elle au bout de la Terre. Tandis qu’Alexandre affronte la rébellion, Roxane, « la Resplendissante », brûle pour le général qui a pris la tête des révoltés.
Qui franchira le pas sans retour ?
Lever matinal aujourd’hui : vers 5H30 je quitte l’hôtel pour une promenade dans les ruelles encore sombres du bazar. Personne. Quelques chiens aboient. Au bout d’une heure, alors que le jour commence à se lever, je rencontre Mohammed couché dans un renfoncement près de la mosquée Vakil. C’est un bavard impénitent ; il déverse un flot de paroles dans un anglais difficile à comprendre, mêlant ses voyages (« Pakistani people no good »), des considérations politiques, historiques religieuses et philosophiques auxquelles je ne comprends pas grand chose. Il me propose d’ouvrir avec lui une école de français et d’anglais : on toucherait un bon revenu, je serais le professeur et il serait l’intendant en quelque sorte !
Un peu plus tard dans la matinée, Etienne fut abordé par un homme parlant allemand ; assez rapidement je repris le flambeau parce qu’Etienne ne se sentait pas très à l’aise dans cette langue. Nous discutâmes donc pendant près de trois quarts d’heure. Ou plutôt, il parla pendant presque tout ce temps. C’était pathétique, on sentait que tout ce flot de paroles sortait de ses tripes.
Il criait à quelqu’un en qui il avait confiance son désespoir d’être privé de liberté ; il me dit : « Ici nous sommes des esclaves, l’économie est en ruine, la Savak [la police secrète du chah] existe toujours bien qu’elle ait un autre nom ; elle commet les mêmes crimes, les minorités religieuses (les bahaïs, les chrétiens etc.) sont persécutées, les universités forment des ignorants, la religion devrait être une affaire privée et non pas imposée avec un revolver sur la tempe ; nous sommes en prison mais je suis convaincu qu’un jour ce régime sera renversé, les intellectuels du peuple (comme moi) et les gens simples se révolteront, le vrai peuple parlera… ».
Il se révoltait contre le fait que nous soyons venus voir les vestiges du passé, il voulait que nous venions à la rencontre du monde d’aujourd’hui et que nous nous intéressions aux gens, au peuple et à ses intolérables souffrances. Il disait cela avec ardeur, emportement et du désespoir dans la voix comme un naufragé sur le point de se noyer et criant « À l’Aide ! ! ». Il m’adjura à plusieurs reprises de ne pas parler de tout cela à d’autres Iraniens, mais au contraire de le faire savoir largement en France.
Il parlait de Mai 68, de Jean-Paul Sartre, de Robespierre (à qui il comparait les dirigeants actuels en leur prédisant le même sort). Il avait 46 ans et parlait avec dégoût de ces 18 dernières années, c’est-à-dire des années depuis la Révolution Islamique.
(samedi 8 août)
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