La première page
— Pour vous, ce sera ?
— Juste un verre d’eau…
— C’est tout ?
— … et je vous raconterai une histoire.
J’ai craint que le cafetier moustachu et ventripotent ne bougonne, mais non : il pose aimablement un verre sur le zinc pendant que je me déleste de mon sac à dos.
— Sale temps, hein ? Pour la mi–juin ! Vous venez de loin ?
— Paris. Je suis parti il y a trois jours.
Dehors, sous le ciel gris, le vent malmène les tables en plastique de la terrasse et les parasols aux marques de bière. J’ai remis une chaise sur ses pieds avant d’entrer.
— Vous venez quand même pas de là–bas à pied ? Pour venir jusqu’ici, à Donnemarie, ça doit faire…
— Environ 100 kilomètres. Si, à pied. Puis–je avoir un café ?
— T’entends ça, Jeannine ? Et vous allez jusqu’où, comme ça ?
— Rome.
— Ben dites donc ! C’est ça votre histoire ?
Non. Mon histoire c’est… J’aimerais la raconter un soir à un petit bout de chou avant qu’il ne s’endorme. À cette fillette blonde, par exemple, une nièce qui a des yeux d’un bleu si clair, cerclé d’outre–mer, que j’ai donné son regard troublant à Roxane, princesse de Sogdiane, dans le roman historique sur Alexandre le Grand dont je viens d’achever l’écriture. Mon histoire, c’est seulement essayer d’offrir parfois à la vie une allure de conte de fées. Alors voilà : « Il était une fois… », il y a sept ans, un marcheur qui venait à pied de Paris.
cf le livre Pèlerin d’Occident p. 9
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