Les sept églises : un parcours symbolique
Vers 1552, saint Philippe, ordonné prêtre, proposa à tous un usage qui lui était familier, celui de visiter en deux jours, soit treize heures de marche, Saint-Jean-de-Latran (qui rappelait le patriarcat de Rome) et les quatre basiliques patriarcales, en un tour du monde idéal, ainsi impliqué dans un pèlerinage pénitentiel ; avec deux étapes supplémentaires : Saint-Sébastien, très cher au cœur de Philippe, et Sainte-Croix.
Donc Philippe et ses fidèles se retrouvaient à Santa Maria della Vallicella, pour ainsi dire chez Philippe. De là, ils se rendaient à Saint-Pierre, et c’était une étape préparatoire, qui rappelait le parcours du cénacle à Gethsémani. À Saint-Pierre commençait le chemin pro¬prement dit : de Saint-Pierre à Saint-Paul on méditait sur la sueur de sang au jardin des Oliviers et sur la marche de Jésus vers la maison du grand prêtre ; de Saint-Paul à Saint-Sébastien on méditait sur le parcours de Jésus de la maison du grand prêtre à celle du chef du sanhédrin et sur la flagellation ; de Saint-Sébastien jusqu’à la halte-rafraîchissement, on méditait le parcours de la maison de Caïphe au prétoire de Pilate et le couronnement d’épines ; de la pause à Saint-Jean, la Passion ; de Saint-Jean à Sainte-Croix, le parcours du prétoire de Pilate au palais d’Hérode ; de Sainte-Croix à Saint-Laurent, celui du palais d’Hérode au prétoire de Pilate et la condamnation à mort ; de Saint-Laurent à Sainte-Marie-Majeure, le parcours du prétoire de Pilate au calvaire et l’ultime effusion de sang.
Un parcours symbolique de la chrétienté
Le déplacement réel précédemment décrit se double d’un déplacement imaginaire, auquel il fournit le prétexte : le pèlerin effectue symboliquement un tour du monde chrétien, conformément à la vieille association urbi et orbi et doit se représenter en chemin qu’il gagne les lieux saints. En effet, chaque basilique représente un patriarcat, et, symbolise ainsi une partie du monde :
Espace réel | Espace symbolique |
Rome | Chrétienté |
Saint-Pierre | Patriarcat de Constantinople |
Saint-Paul | Patriarcat d’Alexandrie |
Saint Laurent | Patriarcat de Jérusalem |
Sainte-Marie Majeure | Patriarcat d’Antioche |
Rome, image de la chrétienté : représentation symbolique du parcours des sept églises.
En outre, la pratique pénitentielle reconstitue le parcours du chemin de Croix, le chiffre 7 des Églises évoquant également les sept douleurs du Christ. Dans une Europe où le pèlerinage à Rome a depuis longtemps remplacé le pèlerinage à Jérusalem, la composition de lieu prônée par Ignace de Loyola dans ses Exercices spirituels plaque ainsi une Palestine antique sur le paysage du Latium :
Parcours réel | Parcours christique |
De Chiesa Nuova à Saint-Pierre | Du Cénacle au jardin de Gethsémani |
De San Lorenzo à Sainte Marie Majeure | Du Prétoire au Calvaire |
Trésors spirituels des sept églises
Les deux premières basiliques de Rome, Saint–Pierre et Saint–Paul, sont avant tout les sépultures des deux apôtres. La basilique du Vatican invite à la méditation sur la primauté de Pierre, et sur le ministère de l’autorité de l’évêque de Rome : on allait à Saint–Pierre pour vénérer le tombeau de saint Pierre mais aussi pour voir son successeur. Quant à la basilique Saint–Paul, an raison de la personnalité et de l’histoire de « l’apôtre des Gentils », elle apparaît comme un lieu privilégié pour les célébrations œcuméniques et pour la prière pour l’unité des chrétiens.
Saint–Jean ne contient pas de tombeau vénérable, mais elle est la cathédrale de Rome, la première église construite par Constantin pour sa nouvelle religion, le lieu des premières célébrations publiques de la foi chrétienne : le pèlerinage au Latran est donc une réflexion sur le mystère de l’Église et son témoignage dans le monde.
La basilique Sainte–Marie–Majeure sur la colline de l’Esquilin est sans doute le lieu le plus important de Rome pour un pèlerinage dédié à Marie : l’église fut fondée en 430–440, immédiatement après le concile d’Éphèse où Marie fut proclamée la Mère de Dieu (« Theotokos »).
L’histoire de la basilique de la Croix est liée à la légende de Sainte Hélène mère de Constantin. En effet, l’église est construite sur un palais qui lui appartenait, et avait à l’origine la forme de l’église du Martyrion, du Calvaire, à Jérusalem où sainte Hélène aurait retrouvé le bois sacré. Aujourd’hui la basilique conserve des reliques très étonnantes, dont le titulus, le morceau de bois avec l’inscription « Jésus Nazaréen, Roi des Juifs » en trois langues.
La basilique de Saint Laurent célébrait l’un des saints les plus aimés de Rome, le diacre martyre, et rappelle aujourd’hui l’importance des laïques dans la vie de l’église primitive.
Enfin, la basilique de Saint–Sébastien, l’ancienne basilique des Martyrs, qui est peut–être la plus ancienne des sept, ramène aux origines douloureuses, mais glorieuses, des témoignages des saints, et rappelle que la vie de l’Église est toujours fécondée par le sacrifice de ceux qui proclament leur foi contre toute opposition.
D’après F. & G. Lanzi, Les pèlerinages romains, Bayard Editions–Centurion, 1999
et Guido Sacchi, La tradition romaine du pélerinage
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