Deux moines érudits en voyage
Né en 805, Loup de Ferrières joua un rôle prépondérant comme théologien et organisateur de l’Église de France. Abbé de Saint–Pierre de Ferrières (dans le Gâtinais), il envoya deux moines à Rome en 855, pour lesquels il écrivit, conjointement avec l’évêque de Sens, une lettre de recommandation. Ce courrier est assez représentatif des documents dont se munissaient les pèlerins.
Une lettre de recommandation

Aux très révérends prélats d’Italie et de Gaule, et à tous les autres fidèles de Dieu, moi, Guenilo, évêque métropolitain de Sens, j’adresse mon salut dans le Seigneur. Toutes les fois que pour une juste cause nous adressons la parole à votre bonté, la charité, diffusée dans nos cœurs par l’Esprit–Saint qui nous est donné, nous accorde la confiance pour agir ainsi : c’est précisément lorsqu’on agit gratuitement que la piété augmente.
Des moines de la province et de notre diocèse, du monastère appelé Bethléem, ou Ferrières, nommés Adulfe et Acaric, honorés de la dignité de prêtre, divine comme nous le croyons, se sont spontanément décidés à venir à Rome, pour l’étude de la prière, et, ayant reçu la permission de leur abbé, Loup, qui nous est extrêmement cher, et la nôtre exécutent leur projet. Nous les recommandons à votre sollicitude, selon l’usage : implorant que, parce qu’ils ont enduré la peine du pèlerinage pour leur récompense éternelle, ils trouvent cette consolation à l’aller et au retour, en étant, eux dévots, protégés par les hommes religieux. Vous prendrez en effet part à leurs récompenses, si vous êtes pour leur entreprise des aides bienveillants.
Nous vous souhaitons de vous porter heureusement.
Demande de prêt de manuscrits au pape
Au pape Benoît III, Loup de Ferrières s’adressa pour faciliter leur séjour romain et réclamer des livres qu’il n’avait pas réussi à se procurer en Gaule.
Nos frères et collègues en prêtrise, Adulfe et Acaric, ayant entrepris pour la gloire de Dieu un pèlerinage volontaire et étant, non sans beaucoup de peine, parvenus enfin au tombeau des très saints apôtres et des autres saints, nous les recommandons spécialement à votre mansuétude. Daignez leur témoigner une bonté légitime et les instruire avec soin des coutumes ecclésiastiques qui sont diversement observées selon les lieux afin que, par leur intermédiaire, les règles suivies à Rome nous parviennent. […]
Puisque les parents doivent amasser des trésors pour leurs enfants [Paul, 2nde épître aux Corinthiens, 12, 14], comme le déclare le docteur des Nations, et que nous désirons être vos fils très obéissants, nous demandons l’envoi par l’entremise desdits frères, en un manuscrit de vénérable antiquité, des commentaires de saint Jérôme depuis le sixième livre exclusivement jusqu’à la fin dudit prophète. Si nous les obtenons, nous ne manquerons pas, après les avoir fait rapidement transcrire, de les renvoyer à Votre Sainteté. Car, dans notre pays, il a été impossible de trouver nulle part un manuscrit qui dépasse le sixième livre, et nous souhaitons recouvrer chez vous ce qui nous paraît faire défaut à notre petitesse. Nous demandons encore le traité De l’orateur de Cicéron et les douze livres de l’ Institution oratoire de Quintilien, qui tiennent en un petit volume. De ces deux derniers auteurs, nous avons des parties mais nous désirons en obtenir de vous la totalité. Dans la même intention, nous demandons le commentaire de Donat sur Térence. De ces auteurs, nous aurons soin de vous restituer fidèlement les œuvres, en même temps que le manuscrit de saint Jérôme, si, avec la permission de Dieu, votre libéralité nous les accorde.
(Correspondance de Loup de Ferrières, trad. et éd. par L. Levillain, 1927, t. II, lettre n° 100)
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