Passage près de terre
Avis aux navigateurs du XXIème siècle : les instructions ci-dessous ont un caractère historique et doivent être considérées avec précaution avant tout usage pratique, même s’il est possible que les caractéristiques naturelles dans cette région du monde n’aient que peu varié au cours des derniers siècles.
En sortant du détroit de Lemaire, la route à suivre pour aller doubler le cap sera à peu près le S.O. Or il sera facile de s’en tirer si l’on a le bonheur d’avoir des vents de N.E. à N.O.., ce qui n’est pas rare du tout ; et, dans ce cas, on fora une très belle traversée, en doublant le cap à petite distance. Mais si l’on trouve des vents d’Ouest ou de S.O. que faire ? Fitz-Roy pense que le mieux est de louvoyer près de terre, en profilant de toutes les embellies, et en allant se mettre à l’abri, on cas de mauvais temps, dans diverses baies de la Terre de Feu qu’il indique.
Suivant notre opinion, cette manière de faire est, sans aucun doute, la meilleure et même la seule qui puisse permettre de compter, avec une presque certitude, sur une rapide traversée ; mais, en revanche, nous croyons qu’on ne saurait conseiller, dans des instructions générales, une telle conduite, qui pourrait entraîner le navire, à un moment donné, dans une position critique.
Fitz-Roy, qui connaissait parfaitement ces parages dont il avait l’ait l’hydrographie, et, comme lui, les officiers familiarisés avec les traversées du cap Horn, notamment les baleiniers et certains capitaines de navires de commerce, ont pu accoster la Terre de Feu sans crainte et ont accompli de celle manière des traversées rapides ; ils en sont arrivés à conseiller et à prôner hardiment cette route. Mais comme les instructions sont rédigées surtout pour les capitaines qui connaissent peu ou point la traversée qu’ils doivent entreprendre, nous pensons que ce serait assumer une grande responsabilité que de soutenir la thèse de Fitz-Roy et d’exposer ainsi un navire à voiles à être porté en vue de la Terre de Feu par des vents de S.O. qui pourraient fraîchir cl le contraindre à chercher un abri sur une côte qui ne lui serait pas familière.
Partout ailleurs, rien de plus naturel ; mais dans les parages qui nous occupent, le cas est bien différent. Pas de balisage, pas de phare, pas de pilotes, peu de cartes détaillées, et par-dessus tout une côte inhospitalière à redouter, côte vers laquelle poussent les vents et des courants imparfaitement connus ; sans compter que l’on ne trouvera aucun moyen d’existence, ni de ravitaillement, ni de réparation en cas d’avaries.
Voilà, selon nous, ce que pensera, en général, un officier n’ayant pas encore doublé le cap Horn et à qui on donnera le commandement d’un navire à voiles pour effectuer cette navigation.
Quelques capitaines, soit du premier coup, soit après une, soit après une traversée antérieure dans laquelle ils auront tâtonné, prendront sur eux de suivre la route de Fitz-Ftoy.
Nous pensons donc qu’un navire, surtout s’il est à voiles, qui trouvera des vents de la partie du S.O. à sa sortie du détroit de Lemaire, prendra très généralement la bordée tribord amures. Si le navire est mixte, il pourra faire d’abord bonne route à la vapeur tant que les vents de la partie du S.O. ne seront pas assez forts pour l’en empêcher ; et il arrivera quelquefois que le vent tournera au Sud et au S.E. puis au N.E., ce qui permettra d’accomplir une rapide traversée.
En somme, on agira prudemment, tant que l’on sera dans l’Est du méridien du cap Horn, en évitant de s’approcher de terre. Sous cette unique réserve, on peut recommander de choisir toujours la bordée qui fait faire le plus d’Ouest.
Paul Cave - Patagonie. Détroit de Magellan et canaux latéraux. Cap Horn et Terre de Feu - 1879
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