Vagues et vents
Entre les parallèles 40° et 50° de latitude, les vents soufflent en toute liberté sur les vastes espaces liquides. Happés par le gigantesque appel d’air de l’inlandsis antarctique, ils sont projetés d’ouest en est par la rotation de la terre avec d’autant plus de violence que nul obstacle ne s’oppose à leur furie, si ce n’est la cordillère des Andes, qui leur barre le passage sur un front de 1 200 milles. Aussi, comme un gaz sous pression s’échappe d’une canalisation rompue, toute cette puissance s’engouffre-t-elle dans le détroit de Drake et le courant d’ouest dominant qu’elle entraîne devient-il un fleuve océanique irrésistible.
De plus, le fond du détroit forme entre les deux masses continentales un talus qui incite les énormes lames à déferler : tout se passe comme pour les vagues qui se brisent sur la chaussée de Sein par grand frais, à cette différence qu’ici les creux sont profonds non pas de 2 m, mais de 18 m !
Enfin, les vents d’ouest normaux qui se pressent dans la trouée peuvent être contrariés par de petits cyclones vicieux dégringolant des Andes, et il arrive que tout le processus s’inverse sans crier gare avec les vents d’est qui se lèvent lorsqu’une dépression passe au nord du Horn.
On comprend que les navigateurs aient inlassablement cherché dans les glaces de la mer de Baffin le fameux « passage du Nord-Ouest » : la voie ouverte entre l’Atlantique et le Pacifique au sud du continent américain paraît réservée au cortège d’Éole.
Le cap Horn, sommet de la fureur des vents et des marées, a pourtant vu passer bien des navires. C’est qu’il n’y eut longtemps d’autre accès d’une partie du monde à l’autre — hormis le détroit de Magellan — que ce lambeau du chaos originel, où s’acheva pour jamais dans la nuit mainte course lointaine.
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