Arculfe, évêque du VIIe siècle
Le chroniqueur d’Arculfe
Arculfe était un évêque franc de la deuxième partie du VIIe siècle, peut-être l’évêque de Périgueux, mais on pense plutôt qu’il était rattaché à un monastère. Vers l’an 670, il accomplit un pèlerinage en Terre sainte et passa neuf mois à Jérusalem. À son retour, une tempête perdit son navire et il fit naufrage sur les côtes écossaises où il fut recueilli par Adamnan, l’abbé du monastère de l’île d’Iona. Arculfe lui fit un récit tellement détaillé de ses pérégrinations en Terre sainte que le moine en tira trois volumes décrivant précisément Jérusalem, Bethléem, les villes principales de Palestine ainsi que Constantinople.
Si le récit d’Égérie est le premier compte-rendu d’un voyage en Terre sainte, celui rédigé par Adamnan est le premier guide pour les pèlerins, décrivant les sites et les lieux saints, les paysages et l’impression qu’ils produisirent sur le voyageur. Les descriptions d’Adamnan soulignent l’étonnement et la nostalgie éprouvés par Arculfe : trois cents ans après Égérie, Arculfe a vu les sites de Terre saints en ruine et ces ruines, comme c’est souvent le cas, l’ont empli de tristesse et lui ont donné l’impression que l’époque du Christ était désormais infiniment lointaine. D’autant plus que Jérusalem venait d’être conquise par les Musulmans. Dans sa description de la Ville sainte, Arculfe mentionne leur lieu de culte :
À l’endroit où se dressait autrefois le temple, les Sarrasins ont maintenant érigé une maison de prière carrée, bâtie de façon grossière, en élevant des poutres et des planches sur quelques restes de vieilles ruines; c’est leur lieu d’adoration et l’on dit qu’il contiendrait environ trois mille hommes."
Arculfe rapporte aussi de nombreux miracles dans un temps où les gens étaient peut-être aussi enclins à chercher des explications métaphysiques aux événements étranges ou inattendus que les esprits modernes à chercher des explications raisonnables et scientifiques. Le récit de tous ces miracles contribuait peut-être à la "promotion" de la Terre sainte et de la religion chrétienne qui était relativement nouvelle en Grande-Bretagne à cette époque-là.
Les portes de Jérusalem
selon le croquis d’Arculfe
Quant à la situation de Jérusalem, nous mettrons maintenant par écrit quelques-uns des détails que saint Arculfe m’a dictés, à moi, Adamnan. Mais ce que l’on trouve dans les livres des autres concernant la position de cette ville, nous le passerons. Dans la circonférence de ses murs, Arculfe a compté quatre-vingt-quatre tours et deux fois trois portes, qui sont placées dans l’ordre suivant dans le circuit de la ville : la Porte de David, sur le côté ouest du Mont Sion, est comptée en premier; en second vient la Porte de la Place du Foulon; en troisième, la Porte Saint-Étienne; en quatrième, la Porte de Benjamin; en cinquième une petite porte par laquelle on descend par des marches vers la vallée de Josaphat et en sixième, la Porte Thecuitis.
Voici l’ordre de ces portes et tours : de la Porte de David mentionnée ci-dessus, on tourne vers la partie septentrionale du circuit et de là vers l’est. Mais bien que l’on compte six portes dans ces murs, les plus fréquentées sont au nombre de trois : une à l’ouest, une autre au nord et une troisième à l’est. Tandis qu’il n’y a pas de porte dans la partie de muraille garnie de tours qui s’étend de la Porte de David à travers le flanc nord du Mont Sion qui surplombe la ville au sud et jusqu’en face de cette montagne qui regarde vers l’est, où la roche est abrupte.
Le marché annuel de Jérusalem
Voilà aussi ce que, selon moi, on ne devrait pas passer sous silence et qu’autrefois saint Arculfe, dont on a déjà parlé, nous a dit quant à l’honneur de cette ville dans le Christ : chaque année, le quinzième jour du mois de septembre, une multitude presque innombrable de différentes nations a l’habitude de se réunir de tous les côtés de Jérusalem dans le but de commercer et de s’acheter et se vendre mutuellement des marchandises. Il en résulte nécessairement que les foules des diverses nations demeurent dans cette ville hospitalière pendant quelques jours, tandis que le très grand nombre de leurs chameaux, chevaux et ânes, sans parler des mules et des bœufs pour leurs divers bagages, se répandent ici et là dans les rues de la ville avec les abominations de leurs excréments dont l’odeur apporte un ennui peu commun aux habitants et rend même la marche à pied difficile.
Mais le plus admirable est que la nuit suivant le jour du départ de ces foules accompagnées de tous leurs divers animaux de bât, la pluie tombe en abondance sur cette ville et lave toutes les ordures abominables des rues et les nettoie de leur saleté.
Car la situation même de Jérusalem, commençant sur l’arête nord du Mont Sion, a été si bien disposée par son fondateur, Dieu, sur une déclivité élevée, descendant en pente vers les terrains plus bas des murs nord et est, que cette abondance de pluie ne peut pas rester dans les rues comme de l’eau stagnante, mais dévale, comme des rivières, du plus haut jusqu’en bas. Cette inondation des eaux de ciel, coulant par les portes orientales et portant toutes ces sales abominations, entre plus loin dans la Vallée de Josaphat et gonfle le torrent du Cédron. Et après avoir ainsi baptisé Jérusalem, cette surabondance de pluie cesse toujours.
En conséquence, nous devons remarquer de la façon la plus attentive en quel honneur cette ville élue et glorieuse est tenue par le Père Éternel, qui ne permet pas qu’elle reste souillée plus longtemps, mais en l’honneur de Son Fils Unique la nettoie si rapidement, puisqu’elle contient à l’intérieur de ses murs les sites vénérables et sacrés de sa Croix et de sa Résurrection.
Le Saint-Sépulcre
Cette très grande église, toute en pierre, a été bâtie de merveilleuse formes rondes dans toutes ses parties, s’élevant de ses fondations sur trois murs, qui ont un toit à une hauteur élevée et un large déambulatoire entre chaque mur et le suivant. Il y a aussi trois autels en trois endroits habilement disposés du mur du milieu.
Cette église ronde et très grande, avec les autels mentionnés ci-dessus, regardant, l’un au sud, l’autre au nord, un troisième vers l’ouest, est soutenue par douze colonnes en pierre merveilleusement taillées. Il y a deux fois quatre portes, c’est-à-dire quatre entrées à travers trois murs solidement construits qui s’arrêtent sue les déambulatoires en une ligne droite. Quatre de ces sorties sont orientées au nord-est que l’on appelle aussi le vent de cecias, tandis que les quatre autres sont orientées au sud-est.
Au centre de cette maison ronde se trouve une cellule ronde (tugurium) taillée dans une seule et même roche, à l’intérieur de laquelle trois fois trois hommes peuvent prier debout. De la tête d’un homme de stature ordinaire qui se tient debout jusqu’à la voûte de cette petite maison, on mesure un pied et demi. L’entrée de cette petite cellule est orientée à l’est et tout l’extérieur est couvert de marbre de prix, tandis que son point le plus haut est orné de l’or et soutient une croix dorée d’une taille conséquente. Dans la partie nord de cette cellule est le Sépulcre du Seigneur, taillé dans la même roche à l’intérieur, mais le sol de la cellule est situé plus bas que l’endroit du Sépulcre. On estime à trois paumes la différence entre le pavement et le seuil du Sépulcre. Du moins, c’est ce que m’a dit Arculfe, qui avait l’habitude de se rendre souvent au Sépulcre du Seigneur et l’a mesuré très exactement.
Ici nous devons mentionner la différence de noms entre le Tombeau et le Sépulcre; car cette cellule ronde que nous mentionnions souvent, les Évangélistes l’ont appelée par un autre nom, le Tombeau : ils parlent de la pierre roulée sur son ouverture et qui fut roulée en sens inverse, quand le Seigneur est ressuscité. On appelle avec raison Sépulcre l’endroit, dans cette cellule, qui est du côté nord du Tombeau, et dans lequel le corps du Seigneur, quand il fut enterré, reposa, enveloppé dans des linges. Arculfe en a mesuré la longueur de sa propre main et l’a trouvé long de sept pieds.
Le Saint-Sépulcre d’après Arculfe
Ce Sépulcre n’est pas double, comme certains le pensent, avec un éclat de roche qui le séparerait comme deux jambes et deux cuisses, mais il est tout un, avec la place d’un lit capable de contenir un homme couché sur le dos de sa tête jusqu’à la plante de ses pieds. Il ressemble à une caverne, ayant son ouverture sur le côté et en face de la partie du sud de la chambre sépulcrale. Le toit bas est artificiellement creusé au-dessus. Il y a douze lampes dans le Sépulcre, selon le nombre des douze Apôtres, et elles brûlent sans cesse, jour et nuit. Quatre d’entre elles sont disposées dans la partie la plus basse du lit sépulcral, tandis que les quatre autres paires sont placées plus haut, au-dessus de son bord, sur le côté droit. Elles brillent vivement, car elles sont alimentées avec de l’huile.
Mais il me semble que l’on devrait aussi noter que le Mausolée ou Sépulcre du Sauveur (c’est-à-dire la cellule souvent mentionnée), peut être à raison appelée une grotte ou une caverne, à propos de laquelle, c’est-à-dire à propos de l’enterrement de Notre-Seigneur en ce lieu, le prophète a prophétisé : "il demeurera dans la caverne la plus élevée de la roche la plus solide." Et un peu après, il est écrit à propos de la Résurrection du Seigneur, pour réjouir les Apôtres, "Vous verrez le Roi dans la gloire."
Le frontispice montre en conséquence la forme de l’église mentionnée ci-dessus avec la petite cellule ronde placée en son centre, et le Sépulcre du Seigneur dans le côté nord, et aussi les formes des trois autres églises dont nous parlerons ensuite.
Nous avons dessiné ces croquis des quatre églises selon le modèle que saint Arculfe a dessiné lui-même sur une tablette de cire. Non pas tant que l’on puisse les dessiner de façon ressemblante, mais afin que le Tombeau du Seigneur, aussi mauvaise que puisse en être sa représentation, soit montré à sa place, au centre de l’église ronde, et que l’église qui y est attachée ou celle placée un peu plus loin puissent être situées clairement.
Saint Adamnan - De Locis Sanctis
Traduction d’après la version anglaise de James Rose Mac Pherson [1895]
dont on peut consulter la version intégrale sur le site : Travelling to Jerusalem.
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