Réponses à des questions d’internautes
À l’occasion de la publication d’un dossier sur ce voyage dans «L’Internaute Magazine», un t’chat s’est tenu pour répondre aux questions des internautes. Le contenu de ce t’chat est repris ci-dessous :
Êtes-vous parti avec un itinéraire prévu ou êtes-vous parti sans savoir où vous iriez ?
Je suis parti avec un but prévu (à la fois localisé : Jérusalem / Bethléem et symbolique : la messe de minuit à Bethléem), mais un itinéraire pas forcément figé depuis le premier jour : lorsque je suis parti, j’avais seulement une esquisse d’itinéraire jusqu’à Istanbul, et c’est tout. Il faut dire que, comme je suis parti sans expérience de la randonnée, je ne savais même pas si j’arriverais à Istanbul, alors l’itinéraire jusqu’à Jérusalem : je ne voulais pas trop prévoir. (Voir les rubriques sur Le trajet et sur les Routes et chemins)
Y a t-il eu des moments durs, de solitude ? Moi, je suis très tentée par ce genre d’aventure, mais je garde une petite appréhension...
Oui, bien sûr. Il y a en fait deux sortes de solitude : celle qui consiste, lorsque l’on est seul, à ne pas pouvoir partager le moment présent avec quelqu’un d’autre. C’est parfois difficile, mais si l’on arrive à communiquer dans une langue commune, on peut très bien faire cesser cette sorte de solitude : avec un passant, un restaurateur, quelqu’un sur le bord de la route, etc. Et puis il y a une autre sorte de solitude : dans une telle aventure, il n’y a jamais, jamais personne pour te prendre par la peau du cou et te remettre sur le chemin le jour où le moral est un peu plus bas. C’est sûrement cette sorte de solitude qui est la plus difficile à vivre pendant des mois.
Votre point de vue sur la religion et vos croyances ont-ils changé après ce voyage ?
J’ai sûrement approfondi ma foi, parfois sur des sujets assez inattendus ou des questions que je ne me posais pas avant. Je ne me suis pas converti en route, j’étais croyant avant, mais je le suis différemment aujourd’hui, en mieux, j’espère ! (Voir la rubrique Et Dieu dans tout ça ?)
Pourquoi avoir effectué ce voyage seul ? Une façon d’accentuer le côté mystique de votre démarche ?
Je ne suis pas franchement parti avec des grandes idées mystiques, je ne suis pas parti à Jérusalem dans un but religieux, mais pour répondre très concrètement, par un moyen pragmatique, à des soucis personnels qui s’accumulaient un peu trop fort à mon goût. Peut-être un peu la tête au ciel, mais clairement les pieds dans la boue ! J’avais trop de choses à régler avec moi-même pour marcher à plusieurs. Et puis, sur un trajet aussi long et aussi exigeant, les participants ne se recrutent pas au coup de sifflet.
Comment avez-vous géré votre retour ? Que faites-vous aujourd’hui ?
J’avais pris un congé sabbatique et je suis donc revenu professionnellement dans la société d’où j’étais parti. Six mois après, un cabinet de recrutement m’a proposé un poste dans une autre société et j’ai donc changé de boîte. Voilà brièvement pour le côté professionnel. Quant au reste, on met forcément du temps pour revenir et je ne suis pas sûr que l’on puisse dire un jour : « ça y est, je suis revenu pour de bon ». Parce que, comme pour toutes les expériences importantes de la vie, on ne peut pas savoir comment seraient la vie et le monde sans cela.
En effectuant cette marche, que recherchiez-vous ?
Pour faire court et ambitieux : « La Volonté de Dieu » ! Ça vous en bouche un coin, non ? Sur ce sujet, il y a quelques réponses dans l’excellent dossier de «L’Internaute Magazine»...
Tout d’abord bravo pour cet exploit ! C’est un peu un rêve que je caresse. Une question très terre à terre : le budget de cette aventure ?
Budget : j’ai fait l’addition des dépenses quelques temps après le retour, j’ai trouvé que c’était trop élevé, alors j’ai... j’ai oublié. L’argent est un étalon auquel je refuse de mesurer cette aventure. De toute façon, on peut faire ce voyage sans un sou et avec des millions. Chacun son style. (Voir la rubrique L’argent)
Quel est votre pire souvenir ?
Lorsque je me suis fait caillasser par des gamins palestiniens en Jordanie, ce n’était pas franchement agréable, ou lorsque j’ai été attaqué par des chiens en Roumanie ou en Turquie, par exemple.
Je suppose que votre démarche est essentiellement méditative ? avez-vous trouvé un appui dans une oeuvre littéraire (avant pendant, après)?
Pas franchement le penseur de Rodin pendant 8 mois, mais il est vrai que ça donne aussi l’occasion de réfléchir. Une réflexion qui s’ancre tout de même beaucoup dans l’expérience du quotidien. Avant, j’ai peu lu car je suis parti très vite (3 mois entre la première idée « Et si... » et le jour du départ) et j’avais besoin de tracer ma propre route au lieu de rentrer dans les pas des autres. Pendant le voyage, je me suis efforcé de lire des ouvrages (romans, histoire) d’auteurs des pays que je traversais ou dont le sujet portait sur ces pays-là. Au retour, je me suis davantage intéressé à tous ces voyageurs qui depuis près de 2 000 ans ont parcouru cette route. Vous trouverez d’ailleurs beaucoup de ces témoignages dans la rubrique Histoire du voyage à Jérusalem.
Peux-tu en dire plus sur l’accueil que tu as reçu par les habitants des pays que tu as traversés ?
On vérifie l’adage selon lequel plus les gens sont pauvres et plus ils vous accueillent à bras ouverts. De plus, à partir de la Turquie, la tradition musulmane d’accueil a grandement facilité les contacts. D’autant plus que le fait de voyager vers la Ville sainte (le hadj) est quelque chose de tout à fait normal dans une vie de musulman pratiquant. Cela dit, il ne faut pas s’imaginer que les portes s’ouvrent toutes seules : lorsque l’on est dans un pays étranger, avec une langue que l’on ne maîtrise pas forcément très bien, arriver dans un village et frapper à une porte en disant : « Est-ce que je peux dormir chez vous ? », ce n’est pas forcément évident. Ça ne marche pas toujours et ça ne marche pas tout de suite. Cela m’a valu quelques nuits dehors ou des étapes exténuantes pour trouver une agglomération avec un lieu d’hébergement pour voyageurs.
Ne vous êtes-vous pas dit, à un moment : « Bon sang mais qu’est-ce qui m’a pris » ? Vous avez dû y penser pendant tout ce temps ?
J’ai eu la chance de ne me jamais me poser cette question. Je pense que cela aurait été encore plus dur. Mais, en dépit des difficultés parfois éprouvantes, j’avais la conscience d’être « à ma place dans la vie » durant cette courte période de mon existence. Je parlais tout à l’heure de trouver « la Volonté de Dieu ». Finalement, ce n’est pas autre chose. Et on peut le formuler aussi comme cela : « En dépit des difficultés du chemin, je suis heureux ».
Mais pourquoi en marchant ? Cela favoriserait-il la circulation sanguine, donc la réflexion ?
Il y avait des philosophes grecs qui soutenaient que la démarche permettait de faire avancer les idées : ils se nommaient péripatéticiens, à ne pas confondre avec le féminin du même mot ! Pour moi, j’avais besoin de temps et d’une coupure d’avec ma vie d’alors. J’étais sûr que ces milliers de kilomètres me prendraient du temps et, au moins, je faisais quelque chose, au lieu de me lamenter en me regardant le nombril.
Sachant que vous êtes parti parce que quelque chose vous manquait, est-ce que votre vie a changé au retour et en quoi ? Allez-vous refaire l’expérience ? Pékin par exemple ?
Je suis parti avec plein de questions, je suis revenu avec plein de réponses, passionnantes, mais pas aux questions que je m’étais posées : ça arrive souvent comme ça. Il faudrait plus de temps que quelques lignes de t’chat pour détailler une réponse, mais je peux citer par exemple le recul que l’on prend sur la vie, la capacité à identifier les choses vraiment importantes de celles dont on peut se passer. Et puis toute cette route est un redoutable chemin d’humilité : l’orgueil et la vanité en prennent plein la poire pendant des mois. On en ressort lessivé, mais certainement heureux de s’être débarrassé de quelques scories. Tout le défi reste de ne pas se laisser gagner à nouveau par la routine et la chape des habitudes qui peu à peu s’accumulent à nouveau.
Au début avez-vous eu peur de la distance ?
Au moment où j’ai eu la première idée saugrenue « Et si j’allais là-bas à pied », oui bien sûr. Je me suis dit : « C’est impossible » etc. Puis j’ai regardé calmement la distance : 5000 km par la route la plus courte ? en une année ça fait environ 20 km par jour, soit deux heures le matin, deux heures l’après-midi. Présenté comme ça, le parcours fait moins peur, non ? En réalité, c’est évidemment un peu plus compliqué que 2h le matin et 2 h l’après-midi...
Avez-vous eu des ampoules ?
Oui et j’ai marché dessus pendant des semaines. Comme j’ai usé 4 paires de chaussures, j’en ai eu aussi à chaque nouvelle paire.
Avez-vous croisé d’autres globe-trotters ?
Oui, un cycliste à Baalbek, qui venait de Kuala Lumpur en vélo, et puis un jeune Américain qui passe sa vie à marcher (70 000 km en 15 ans à peu près). Quelques autres ? je ne compte pas les globe-trotters en moyens mécanisés.
Avez-vous d’autres projets du même genre ?
Pas encore, mais comme je suis un peu paresseux, je n’ai fait que l’aller à pied. Pourquoi ne pas faire un jour le retour en passant par l’Afrique du Nord ?
Avez-vous été témoin du conflit israélo-palestinien ?
L’Intifada a recommencé 2 mois avant mon arrivée en Israël. Lorsque je suis arrivé, il y avait une relative accalmie, mais les relations étaient tendues... Et moi aussi. (Voir la rubrique Israël et Palestine)
Est-ce que l’on se moquait de la longueur de votre nom enfant ?
Non, pas vraiment. C’était comme ça.
Etiez-vous content que cela se termine ?
Physiquement, j’aurais pu continuer encore des milliers de kilomètres. J’étais très heureux d’arriver, d’arriver sain et sauf et d’arriver comme je l’avais prévu, pour la messe de minuit à Bethléem. Il ne faut pas chercher à prolonger artificiellement même les meilleurs moments de la vie. La fin arrivait : c’était dans l’ordre des choses. J’étais heureux d’avoir pu accomplir ce défi incroyable, mais je sentais que la suite de ma vie était ailleurs
Combien de km par jour en moyenne ? Vous avez fait des pauses ?
Environ 38 km par jour les jours de marche. 177 jours de marche pour 230 jours de voyage. L’endurance venant avec le temps, je ne compte pas les étapes de 40, 45, 50,55 km. J’ai marché quelques fois plus de 60 km (maximum 67 en une journée) mais ce sont des journées harassantes. (Voir la rubrique Statistiques)
Conseilleriez-vous ce type de voyage ?
Tout d’abord, il est à la portée de beaucoup de gens. À condition de marcher à son propre rythme, il n’y a aucun problème pour marcher des milliers de km. J’ai trouvé l’aventure exaltante, enthousiasmante, passionnante, mais il ne faut pas se cacher qu’elle comporte des difficultés tant physiques que morales. Pour ne pas s’arrêter au premier feu rouge, il faut vraiment avoir envie de faire un tel voyage et, plus encore, il faut sans doute en avoir besoin. S’il fallait seulement répondre oui ou non à votre question, je dirais : Oui, oui, oui !!! (Voir la rubrique Pourquoi pas vous ?)
Votre meilleur souvenir ?
Peut-être l’arrivée à Istanbul : j’arrivais à peine à croire que j’avais réussi cette aventure incroyable de rejoindre Istanbul à pied à partir de Paris, et en plus, il n’y avait pas le sentiment du « c’est fini » qui tempère la joie de la réussite d’un sommet, puisque le voyage allait encore continuer plusieurs mois jusqu’à Jérusalem.
Le retour s’est fait en avion ? Avez-vous un livre ou un recueil de photos en préparation ?
Pas en avion, car j’imaginais mal faire en 4 heures ce qui m’avait demandé 8 mois à pied. Je suis donc revenu en bateau : j’ai pris un cargo à Haïfa, un port au nord d’Israël et j’ai rejoint Anvers, en Belgique, après être passé par le détroit de Gibraltar : ça prend environ une douzaine de jours.
Le livre est déjà disponible? il s’appelle Pèlerin d’Orient et il est publié aux éditions Transboréal : récit de 300 pages et 50 pages de photos. S’il n’est pas en tête de gondole chez votre libraire préféré, vous pouvez le commander dans n’importe quelle librairie et chez tous les grands distributeurs habituels. Vous pouvez aussi le commander en ligne (Voir la rubrique Acheter en ligne)
cf le livre Pèlerin d’Orient
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