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Pèlerin d’Orient - À pied jusqu’à Jérusalem

À pied jusqu’à
Jérusalem


Éditions Transboréal

2° édition : janvier 2009
Prix : 22,50 €

Récit

368 pages
99 photographies


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« Je glisse la clé de l’appartement dans la boîte aux lettres. Furtivement. Comme une lettre d’amour dans laquelle on a jeté toute son âme.

Dehors, rien n’a changé. Les Parisiens vont et viennent, pressés, comme tous les matins. Chacun dans son monde, aux dimensions que je trouve aujourd’hui bien étriquées. Il y a quelques semaines, j’étais encore l’un d’entre eux. Chaque jour plus écrasé par la pression des habitudes, des futilités ronronnantes et des manquements aux rêves inaccessibles.

Un jour, ça suffit, ce n’est plus tenable. Aujourd’hui, je pars.

Seul. À pied. Vers Jérusalem. »




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Pèlerin d’Occident - À pied jusqu’à Rome

À pied jusqu’à
Rome


Éditions Transboréal

Parution : janvier 2009
Prix : 22,50 €

Récit

368 pages
122 photographies









[paiement en ligne sur site sécurisé]

« Cette histoire, j’aimerais la raconter un soir à un petit bout de chou avant qu’il ne s’endorme. À cette fillette blonde, par exemple, une nièce qui a des yeux d’un bleu si clair, cerclé d’outre-mer, que j’ai donné son regard troublant à Roxane, princesse de Sogdiane, dans le roman historique sur Alexandre le Grand dont je viens d’achever l’écriture. Mon histoire, c’est seulement essayer d’offrir parfois à la vie une allure de conte de fées. Alors voilà : « Il était une fois… » […]

En somme, ce que j’aime dans le voyage, c’est la promesse. Arriver, à la rigueur, il le faut bien quand on est parti. « Être arrivé », c’est probablement le pire. Et si je préfère le voyage, c’est sans doute parce que, sur terre, les promesses sont rarement tenues. J’aurais pu citer cela comme une des raisons de partir vers Rome. J’en ai mentionné beaucoup d’autres, depuis Pavarotti jusqu’à saint Pierre, en passant par Goethe et Virgile. Mais au fond, je sais qu’une seule les résumerait toutes, et si l’on ne m’accordait qu’un mot, je lâcherais : « Peggy ».

Les récits
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Le pèlerin véritable

Frontispice du ’Pèlerin véritable’

En l’an de grâce 1619, croyant sûrement parler beau et neuf, peu avant le temps des précieuses que certains prétendront ridicules, paraît pour les personnes pieuses ce petit opuscule qui veut aider au saint voyage de ceux qui un jour en auront le courage.

Mêlant des vers parfois dévots et naïfs aux conseils précis pour monter en l’esquif, de Venise, Gênes ou Marseille jusqu’à la sainte cité sans pareil, l’auteur, se nommant lui-même "pèlerin véritable" veut conduire son lecteur vers un but très louable, et non content de le guider vers la Jérusalem d’ici-bas se pique même de le mener jusqu’à celle de l’au-delà.

Allons en la Palestine
Chasser la lune argentine
Et planter les lys dorés
En ces lieux que la Nature
Les fait naître sans culture
Pour être un jour adorés

Sitôt qu’en la Terre sainte
Reluira la face peinte
De LOUIS l’honneur des rois
Tout aussitôt l’infidèle
Se rangera sous son aile
Pour vivre selon ses lois


 Introduction au Pèlerin véritable

L’équipage du pèlerin  Les conditions matérielles - Nicolas Bénard Parcours thématique : Les conditions matérielles Les conditions matérielles - Le pèlerin véritable   Pèlerin d’Orient - Conditions matérielles du voyage

Que donc notre pèlerin palmerin plein de courage marche en ce bel équipage
Qu’il ait un fort grand chapeau pour se garantir de l’eau
Et de la force du chaud qui le travaillent d’en-haut.
Que ce chapeau soit à double étage, entouré de belles images
En témoignage qu’il a Dieu pour son chef et derechef, pour protecteurs, les saints, ses serviteurs,

Puis qu’il ait un mantelet, rondelet, en guise de cordelet
Qui fait voir la patience en l’adversité comme sa belle prudence, en la prospérité.
Quant au signe de croix, qu’il porte en plusieurs endroits,
Et au mitan de sa poitrine, c’est le burin de la mortification dont il burine
Sur le rame de son âme et de son cœur, la passion de Notre-Seigneur.

La grande robe qu’il porte en toute humilité l’exhorte à pratiquer la charité,
Qui couvre la multitude des péchés dont nous sommes entachés.
Il faut qu’il ait pour guidon un bourdon, ses plus nécessaires armes pour résister aux alarmes
Des Arabes pleins de rage, comme des chiens sur les pauvres chrétiens qui font ce pèlerinage.
Ce bourdon, c’est la Croix, le signe auquel, si tu crois comme tu dois, tu passeras tous détroits,
En dépit de l’aboi des rebelles infidèles et tous autres corsaires, adversaires visibles et invisibles
De la catholique foi. Bref ce bourdon est le don de la foi qui voyage avec toi
Par toute la terre et l’onde au pèlerinage du monde.

Le pèlerin prend souvent la réfection de la Sainte Communion,
Met souvent la main à la bourse durant cette sainte course,
En prenant la patience d’éplucher et rechercher à chaque pas, haut et bas sa conscience :
Porte une petite courge dont il rafraîchît sa gorge,
Pour témoignage qu’il prend plus de goût en ce voyage
Aux choses spirituelles qu’il ne fait aux temporelles.

Il demande le chemin, soir et matin, à toute heure,
Afin de ne s’égarer en cette basse demeure, et décliner mal à propos le lieu de paix et de repos.
Il faut qu’il ait bon pied bon œil, à rechercher le conseil, à tous passages des plus sages,
De peur de se fourvoyer ou dévoyer
Par la tentation en la pérégrination de cette vie, de mal et de peine suivie.

Il porte au croc de son bourdon un long fer en témoignage du don
De force et d’un grand courage que Dieu lui donne au voyage pour résister à l’enfer.
Ta force, ma force soutienne, car je n’espère en ce lieu, ô mon Dieu d’autre force que la tienne.
Il demande l’aumône parfois, toutefois plus par simplicité que par nécessité,
Pour inviter son prochain à mériter, en faisant la charité,
Et aussi que cela lui apprend et le rend plus diligent
D’invoquer en chaque lieu la miséricorde de Dieu,
Et d’avoir recours tous les jours en tous ses desseins comme bon chrétien
À la prière des saints et des gens de bien.

Il faut qu’il soit soucieux, studieux,
Franc de négligence, plein de diligence pour gagner les indulgences
Et satisfaire s’il veut, çà et là comme il peut, à la justice divine pour sa chute et sa ruine.
Il faut que pour une belle marque de sa dévotion, on remarque en sa pérégrination
Non moins de sollicitude qu’une grande promptitude à la recherche de la béatitude.
Qu’il ne soit pas moins habile que diligent et agile
Pour arriver devant tous, le premier, à son sacré rendez-vous, au lieu d’être le dernier.
Il faut qu’il soit surtout assisté de ses vertus, de la foi, de l’espérance, la charité, l’abondance,
La vérité, la prudence, la santé, la patience.
Sa compagnie est assez forte s’il a ces dames pour escorte.

Tantôt il est battu des eaux, cheminant par monts et vaux,
Tantôt des grandes chaleurs, mais pour la pluie qui l’essuie, sont ses pleurs,
Et l’eau de pénitence qui lave sa conscience et nettoie ses erreurs.
Lave des eaux de ta grâce le péché dont je suis entaché, ô mon Dieu, tant qu’il s’efface.
Quant au grand chaud qui l’échauffe d’en-haut
C’est le feu d’amour et dilection, ou si vous mieux, une sainte affection
Qui le dévore et consomme, que tout home voyageant aux saints lieux vers les cieux
S’il est bien humanisé et homme avisé,
Pour mériter ce nom d’humain, doit porter à Dieu et à son prochain.

Mais s’il veut avoir l’avantage, au voyage du Levant et tenir toujours le devant,
Partant, qu’il ne se charge guère. Ainsi, qu’il se vête à la légère, il ira aussi vite que le vent.
Il faut qu’il porte à son flanc une boîte de fer-blanc, sur son dos une mallette, où il mette
Dans l’un, le petit bagage nécessaire à son voyage, dans l’autre ses passeports, garde-corps,
Et principales cautions de ses pérégrinations.
À faute de quoi, on lui donne en personne de belles lettres de renvoi.

Cette malle nous représente une bonne conscience, ornée de patience, douée d’expérience,
Toujours prête à supporter et porter de bon cœur, soit par terre, soit par eau le fardeau
De Notre-Seigneur qui dit, Doux soit mon joug et mon faix léger à quiconque veut le charger.
Quant aux lettres de recommandation, nécessaires en la pérégrination de la Terre de promission,
C’est notre papier journal et notre production, que Dieu, juge sans appel et sans corruption,
En son jugement final et universel, examinera sans rémission.
Sus donc, sus ! Gendarme spirituel, arme, arme, arme, il est temps d’entrer en duel.
Que fais-tu ? Qu’attends-tu ? Que tu ne t’embarques, revêtu de ces belles marques ?
Tout sera largue à tes pas, hauts et bas,
Portant ces belles devises de l’Église pour donner droit où tu vises,
Chemine donc gaiement, hardiment, pèlerin, paladin, Dieu te conduise.  Haut de page

Routes maritimes pour la Terre sainte  Itinéraires - Ludolph de Sudheim Parcours thématique : Itinéraires Itinéraires - Sir John Mandeville  Un voyage de haute mer - Le chanoine Balourdet Parcours thématique : Un voyage de haute mer Un voyage de haute mer - Le pèlerin véritable   Pèlerin d’Orient - Itinéraires

Navire de commerce - début du XVIIe siècle

Si le pèlerin est français, espagnol, portugais ou plus occidental, il prendra son chemin devers Marseille, pour se servir en cette occasion de la mer Méditerranée, qui commence depuis le détroit de Gibraltar et s’étend jusqu’aux bords de la Judée. S’il est Flamand, Anglais, Écossais ou Irlandais, il se pourra servir de la mer Adriatique et s’embarquer à Venise. S’il est plus septentrional et voisin des deux Sarmaties, ou dessous le pôle antarctique, vers la mer Glaciale, il a le Paluz Mœotide, qui s’appelle aujourd’hui mer de la Tana avec la mer Euxine. S’il est habitant de l’Éthiopie, il s’aidera de la mer Rouge, passage ordinaire des Abyssins et de ceux de l’Arabie Heureuse. S’il est des Indes Orientales, comme des royaumes de la Chine, des Tartares ou des régions de Cataïo, Cambalu et Bargu, s’embarquant sur la grande mer du Sud, il aura facile entrée en Terre sainte par le sein Persique, comme aussi les Arméniens, ceux de la Scythie et autres feront fort facilement leurs approches par la mer de Bachu pour arriver en Jérusalem.  Haut de page

Espionnage et paris à Venise  Les dangers du voyage - Le chanoine Balourdet Parcours thématique : Les dangers du voyage Les dangers du voyage - Le chevalier d’Arvieux   Pèlerin d’Orient - Dangers du voyage

Je conseille au pèlerin de ne déclarer à personne qu’il aille ou vienne de Jérusalem, sinon à ceux à qui on ne le peut cacher et lorsque l’on ne s’en peut dédire. En quand bien même il serait à Venise au jour de l’Ascension, il ne se laissera pas voir, s’il me croit, et n’assistera pas à la procession générale en qualité de pèlerin où se trouvent la plupart des pèlerins qui font le voyage de la Terre sainte, à raison qu’il donne de bonnes visées pour être espionné, soit des Juifs, Mores, Turcs ou Arabes, alors à Venise, lesquels arrivent souvent au Levant avant lui et, l’ayant remarqué à Venise, ils trouvent sujet d’avoir sa bourse et de lui faire du déplaisir.

Et d’ailleurs, il arrive encore un autre mal de cette montre et parade, qui est tel que les Vénitiens, gens de plaisir et d’ébats, sont coutumiers de parier et de faire des gageailles entre eux lorsque, jetant un œil sur les pèlerins, celui-ci gagera contre l’autre que tel pèlerin mourra en son voyage, l’un que si, l’autre que non, d’où il arrive selon la qualité de la gageaille qu’on avance quelquefois les jours à tel qui n’en peut mais et qui n’y pense pas, soit par le chemin sur les lieux, ou durant son retour. Ils font de même des navires qui vont et viennent dans leur havre.  Haut de page

Quatre sorte de navires  Un voyage de haute mer - Le pèlerin véritable Parcours thématique : Un voyage de haute mer Un voyage de haute mer - Le pèlerin véritable   Pèlerin d’Orient - Un voyage de haute mer

Le premier est des Juifs, gens vagabonds et chétifs
Le second des Mahométites, le troisième des Calvinistes
Et tous autres hérétiques, le quatrième des Catholiques.

Ces quatre puissantes barques se reconnaissent à leurs marques.
Le navire des Juifs excessifs est tout chargé, qu’on voit presque submergé
À chaque fois à cause de son grand poids, car c’est un vrai Sarrazin qui de tout fait magasin,
Tout est bon à ce Maranne, l’or et l’argent sont sa manne
Qui n’estime ni ne prise rien tant que la marchandise.
Cet avare est si fécond en toutes sortes de biens terriens qu’il ne trouve son second.
Aussi si loi lui promet et permet de prendre ad hoc et ab hac tant que soit plein son bissac,
Et sa nef jusqu’au tillac, par le moyen de l’usure qu’il exerce sans mesure,
Après les biens temporels au lieu des spirituels.

Vous voyez flotter après de fort près le navire de Mahomet
En un sanglant équipage qui permet à tous les siens pis que chiens
Toutes sortes de carnages sur les pauvres Chrétiens.
Il n’aspire et ne respire que notre entière ruine qu’il conspire et qu’il machine
En la guerre qu’il nous fait à toute outrance,
Non moins par mer que par terre, dehors et dedans la France.
Cette nef en la chargeant va regorgeant jusqu’au tillac de gens de sac et de corde,
De soldats sans miséricorde, qui vrais anthropophages se plaisent aux carnages
Et à s’abreuver du sang que, trop inhumains, ils font ruisseler du flanc
Des pauvres baptisés divisés qui tombent entre leurs mains.
Bref, ce navire est un vrai enfer où l’on n’oit, où l’on ne voit que du fer, que des armes,
Que des alarmes, que des cris et des vacarmes, de l’horreur, de la fureur
Que cette gent circoncise exerce contre l’Église.
Aussi est-ce une des maximes abominables de ces détestables
Qui dit que leur Mahomet leur promet un établissement assuré de leur loi
Non par le moyen de la foi, mais par la force peu à peu, en jouant du fer et du feu.

Vienne la nef des Luthérites, avant-coureurs de Calvinistes, tous hérétiques schismatiques,
Qui prenant trop de liberté, emportés de légèreté, vont faisant voile à tous vents,
Changeant à tous événements, périclitant à tous moments.
Ce vaisseau ne porte rien, il est vide de tout bien,
Et ne sert que de parade, non plus qu’une mascarade.
Aussi n’en fait-on état que pour aller à l’ébat,
Car messieurs les Huguenots chérissent fort leur repos
Et sont froids à la besogne, comme l’effet le témoigne.
Vous les voyez peu jeûner, encore moins pérégriner ;
Ils blâment les dévotions, comme les confessions.
Si vous leur parlez de Carême, c’est leur causer un mal extrême.
De la messe, point de nouvelle, que pour une haine immortelle,
Envoyant tout en un vaisseau les bonnes œuvres à vau-l’eau :
Que la foi n’ayant pour escorte, on peut la dire une foi morte.

Ha voilà la belle nacelle, ou plutôt la sainte pucelle,
Le navire de Jésus-Christ où jamais âme ne périt
Qui se rit des bourrasques et de toutes les attaques
Que le cauteleux Satan lui va donnant à vau l’an :
Elle est si bien équipée, occupée de si savants matelots
Que partout elle fait reste à l’orage à la tempête et à la force des flots.
Quiconque passe en cette arche voyage plus sûrement
Qu’en celle du Patriarche de l’Ancien Testament.
L’homme était en la première seulement sauvé des eaux,
Mais il est en la dernière toutes sortes de fléaux.
En l’autre il était sauvé de la mort temporelle,
Il est ici préservé de la mort éternelle.
En cette nef d’union, tout passe par la police et chacun a son office selon mon opinion.

Notre-Seigneur est assis en la hune, qui tient la bride aux vents et à Neptune.
Le Saint-Esprit tient la mesure en ce concert et nous sert de Sinosure.
La plus belle entre les étoiles, Marie étoile de la mer,
Fait enfler doucement nos voiles sans qu’on ait la peine de ramer.
Les Apôtres sont les mariniers, francs de toute ambition,
Car les premiers sont les derniers et les derniers sont les premiers
Ici-bas sans acception, saint Pierre dit Simon,
Plus ferme que la pierre a la main au timon.
Saint Jacques tient l’ancre de stabilité. Saint Jean allume le feu de charité.
Saint Paul est le nocher, plus ferme qu’un rocher
Saint Barthélemy le pilote, Saint Thomas prend garde à la côte.
Saint Philippe est le dépensier. Saint André, le grand panetier, saint Matthieu, l’argentier.
Saint Simon durant le voyage a toujours la main au cordage.
Saint Jude met son étude à voir si en le navire, il n’y a rien qui s’empire.
Saint Jacques le mineur a l’honneur, le navire suivant sa route de tenir toujours l’écoute.
Et le chanceux saint Matthie est aussi de la partie
Qui fait et rend tous efforts pour secourir ses consorts.
Les martyrs sont les artisans, les confesseurs leurs partisans.
Toutefois saint François est le chauffe-cire et l’écrivain du navire,
Toujours portant les sceaux royaux que Dieu, comme à son suppôt, lui a donnés en dépôt.

Cette nef si bien équipée, apprêtée, c’est l’Église militante, fille de la triomphante.
C’est donc là, pèlerin, c’est là qu’il faut que tu t’embarques et non dans les autres barques,
Pour voguer plus sûrement sur l’un et l’autre élément, la terre et la mer immonde,
De ce monde pour ne rester entaché ni attaché de cordages de péché
Et de souffrir un naufrage manifeste au voyage de la Jérusalem céleste.  Haut de page

Des provisions nécessaires  Les conditions matérielles - Le pèlerin véritable Parcours thématique : Les conditions matérielles Les conditions matérielles - Le chevalier d’Arvieux   Un voyage de haute mer - Le pèlerin véritable Parcours thématique : Un voyage de haute mer Un voyage de haute mer - Le pèlerin véritable   Pèlerin d’Orient - Conditions matérielles du voyage

Quant aux choses nécessaires pour le vaisseau, il achètera premièrement un bon coffre ou caisse de marine, fermant d’une bonne serrure, à peu près de sa longueur. Cette pièce de meuble lui servira de lit, de garde-robe, table et escabelle, et à cette fin, il se garnira d’un matelas, coussin et couverture, de sa longueur, et d’autant que selon mon jugement, il sera mieux à propos qu’il fasse lui-même sa dépense, que de se mettre à la table du patron du navire, ou de l’escalque, laissant cette commodité aux marchands et riches passagers qui font plus de dépenses extraordinairement qu’à ce maigre ordinaire de huit ou dix écus le mois. Notre pèlerin donc fera son petit magasin à part, dont il usera à ses heures et selon ses appétits. Il est vrai que se mettant à la table du patron du navire, il aura meilleure place dans le vaisseau, et ne paiera pas tant pour son passage que celui qui ménage à part.

Premièrement qu’il achète ou fasse faire son biscuit s’il a le temps ; un baril de bon vin de trente ou quarante bocaux, qu’il tiendra sous clef de peur des mariniers ; deux autres bocaux du meilleur vin de malvoisie qu’il pourra trouver pour charmer au matin les bruines de la marine ; une couple des plus gros jambons de Mayence qu’il pourra recouvrer ; deux douzaines de saucisses et cervelas plus ou moins selon la grosseur qu’il les trouvera ; cinq ou six livres de fromage milanais ou parmesan pour être le meilleur ; un bocal d’huile et un autre de vinaigre ; trois ou quatre livres de grosses olives pour le remettre et lui aiguiser l’appétit qui manque volontiers au commencement du voyage ; des citrons et oranges ; du riz et des légumes ; de l’oignon et de l’ail s’il est coutumier d’en manger.

Selon qu’il aura bonne bourse, il fera provision d’un peu de viandes fraîches toutes cuites, pour l’incommodité qu’il y a de les cuire et de les apprêter, et aussi qu’elles se corrompent incontinent sur l’eau ; toutefois heureux celui qui les y voit plutôt se corrompre que manquer. S’il est délicat et qu’il redoute le mal de la mer, qu’il fasse emplette de quelque quantité d’épiceries douces, du sucre, de la conserve de roses, du sirop de citron contre les chaleurs, un peu de café préparé, iulep violat et autres drogues laxatives pour empêcher la fièvre et entretenir le bénéfice de ventre en ce lieu-là qu’on est plutôt constipé qu’autrement.

Pour le regard du linge, le pèlerin reconnaîtra que c’est une chose plus que nécessaire pour résister aux poux qui l’attaqueront en furie s’il ne change souvent de linge. Et pourtant que du moins il ait deux couples de chemises, sans replis, fraise ni collet dont se rient les Levantins, et outre que ce sont autant de logements pour la vermine. Qu’il n’oublie une couple de linceux pour mieux se rafraîchir et reposer plus à son aise si, d’aventure, il lui survenait quelque maladie ; une livre ou deux de savon pour faire en un jour de beau soleil sa petite lessive et blanchir lui-même son linge avec de l’eau chaude s’il est possible.

Pour son linge de table, qu’il ait deux couples de serviettes, et un petit travers d’où il retirera toujours son argent. Et quant à son habit, qu’il le fasse faire d’une bonne et forte étoffe de gris cordelier qui lui servira contre le froid et le chaud tant par mer que par terre, car il va par pays toujours monté, et par ce moyen, la pesanteur de son habit ne l’incommode point. Pour la façon, il fera faire une soutane qui lui passe le gras de la jambe, avec le petit mantelet de la même étoffe et le chapeau de la couleur, au lieu duquel il se servira d’un petit bonnet dans le vaisseau. Il sera ceint d’une belle corde, s’il ne lui est laissé quelque lisière de la matière de son habit. Qu’il ait de bons souliers, tant à cause de son voyage que pour cheminer plus à l’aise dans les rochers et autres lieux pierreux, quand il sera forcé de mettre pied à terre.

Qu’il soit soigneux de s’embarquer avec toutes ses provisions bien à propos, de peur de rester derrière, se rendant plutôt que plus tard dans le vaisseau, qui n’attend jamais personne après l’embarquement du patron et de l’écrivain, le vent étant commode.  Haut de page

À bord du vaisseau  Un voyage de haute mer - Le pèlerin véritable Parcours thématique : Un voyage de haute mer Un voyage de haute mer - Le chevalier d’Arvieux   Pèlerin d’Orient - Un voyage de haute mer

L’auteur donne une vision beaucoup plus pratique et moins idyllique que celle donnée trente auparavant par le chanoine Balourdet.

Le pèlerin embarqué avec ses provisions et commodité qui est tout son vaillant, aura toujours l’œil dessus et s’en tiendra près, voire les serrera sous clef s’il est possible, de peur de fortune de gueule, naufrage ordinaire que les mariniers font courir aux pauvres passagers, et d’ailleurs, je l’avertirai de les ménager si bien qu’il en ait plutôt de reste à l’arrivée que d’en tirer nécessité sur mer, ce qui est un vrai martyre.

Qu’il loge s’il le peut à son entrée au mitan du navire car, outre qu’il sera près de la cuisine, il ne sera pas sitôt étourdi des grands branles du vaisseau comme il serait à la poupe où se retire le patron ou à la proue où sont les mariniers. Il faut qu’il se résolve de bonne heure à la patience et à passer le temps selon la compagnie et le lieu, à manger cuit et cru, frais et salé, froid et chaud et boire doux-amer selon l’exigence du temps et la qualité du lieu. Il faut qu’il s’accoutume à reposer au bruit des ondes et des vents, et parmi les grands vacarmes des mariniers durant le mauvais temps ; souventes fois endurer qu’ils lui passent et repassent sur le ventre, allant et venant à leur manœuvre, lâchant le plus souvent en ces allées et venues des vents qui donnent ailleurs que dans les voiles, de sorte que le meilleur est de leur faire largue et ne se trouver à leur rencontre. Nonobstant ces affronts, il ne faut pas laisser de les appeler Messieurs, leur donner le bonjour, leur faire à toute heure caresses, voire de leur faire boire et manger de vos provisions, de peur qu’ils n’en prennent à discrétion dans le coffre, lesquels ils sont fort bons ouvriers de crocheter.

Et quoique le voyage soit court ou long, je conseille au pèlerin de se domestiquer et faire plus particulière connaissance avec quelqu’un d’eux, celui qui reviendra mieux à son humeur, car outre qu’il en tirera mille petits services dans le vaisseau, s’il est vieux et pratique aux voyages, en passant à la vue des terres, il les lui déchiffrera, dont il ne remportera pas peu de contentement.

Davantage, si le pèlerin est seul de sa patrie qui fasse le voyage, il s’accompagnera de quelque galant homme de sa condition pour se jurer amitié et donner parole d’assistance si l’un ou l’autre tombait malade et afin de vivre et passer le temps ensemble. Si en quelque sorte il arrive que le vaisseau fasse rencontre de corsaires, il faut qu’il se montre généreux et fasse son devoir comme les autres, dissimulant sa peur s’il en est attaqué, non seulement en cette occurrence, mais en tous autres accidents comme fortunes de mer, tourmentes et bourrasques où il se doit montrer ferme et constant et rassurer les autres au lieu de les épouvanter, supportant les tempêtes d’un semblable visage que les calmes et bonasses, se montrer secourable aux malades s’il y en a dans le vaisseau, se gouverner si bien de la bouche au changement d’air et à la descente dans les terres, spécialement en pays chaud qu’il ne lui en méprenne, ni courir après les fruits et ne pas se laisser emporter à la douceur de la malvoisie et muscadets des pays étrangers, de peur des fièvres et dysenteries qui troussent ordinairement leur homme en vingt-quatre heures, au grand contentement du patron du navire qui se déclare son héritier après l’avoir fait ensevelir dans le sépulcre de Neptune, sine cruce & sine luce.

Si le pèlerin voyage l’hiver, qu’il se tienne chaudement, tant le jour que la nuit, de peur des rhumes et du mal de lamer, auquel pour mieux résister et chercher de l’appétit, s’il lui manque, il sera bon qu’il se tienne soir et matin à l’air et qu’il se promène sur le tillac du vaisseau. S’il arrive qu’il soit pressé de tourner vers la proue et monter sur les ancres, qu’il soit aussi peu honteux que les autres puisque ce sont choses naturelles, et que faute d’ay aller à temps par une mauvaise honte, on s’expose quelquefois au péril de grandes maladies.

Je l’avertirai aussi de ne pas se rendre trop délicat et mignon dans le vaisseau, quoiqu’il ait des moyens, de peur des étrangers et toutes sortes de Levantins qui, le tenant pour grand, lui pourraient sur les lieux apporter quelque préjudice, sinon à sa personne, du moins à sa bourse. Et partant, qu’il se tienne clôt et couvert, leur fasse bon visage et se tienne près et loin selon les occurrences.

Si, d’aventure, il arrive une tourmente trop véhémente, et qu’il soit inutile aux mariniers, qu’il se prenne garde de leur rencontre et aille faire ses prières en secret sous le tillac où il servira davantage au navire. D’autant plus qu’en ce faisant, il esquivera le danger d’avoir peut-être la tête rompue de quelque bois, câble, poulie, ferraille ou autre pièce du vaisseau qui tombe souvent d’en-haut au temps de la tempête.

Quant il arrive aussi que le navire est à l’Ourse et que le vent donne trop furieusement dans les voiles en danger de la faire sombrer, qu’il soit prompt et alerte de passer de l’autre bord et résister de tout son pouvoir à la fortune pour l’intérêt qu’il y a comme les autres. Qu’il se prenne aussi bien garde d’allumer pendant la nuit aucun feu dans le vaisseau, si ce n’était à une extrême nécessité avec la permission du patron, de peur de se manifester aux corsaires qui sont le long des côtes, et pour le péril du feu plus redoutable que l’eau dessus les mers.

Bref, comme souvent sur les mers les heures sont des jours, les jours des mois, les mois des années, afin d’ennuyer le temps plus doucement et qu’il l’ennuie moins, il aura recours aux louables et honnêtes occupations, entre autres à la prière soir et matin, où l’âme bien née se délecte tant et plus au lieu de s’ennuyer, à la lecture de bons livres spirituels, et entre autres de quelque bon auteur qui traite naïvement des lieux mystérieux de la Terre sainte, desquels comme il aura déjà une idée bien formée et une science toute acquise, voyant la vérité des choses, il aura moins de peine à les concevoir dans son esprit.

Qu’il ne mette aussi en oubli de porter à la pochette un petit almanach pour savoir non seulement les vigiles et fêtes mobiles de l’an, spécialement en Grèce et dans tout le pays du Levant, où les dix jours n’ont point été retranchés, mais aussi pour être instruit aux entrées et déclinaisons des lunes, science fort nécessaire à qui va sur mer. Finalement, si le pèlerin est homme de récréation et bon ménager, il fera provision de quelques hameçons pour pêcher durant les calmes, et il arrivera quelquefois qu’il prendra de beaux et grands poissons dont il fera bonne chère avec ses compagnons et amis.

Le pèlerin véritable de la Terre saincte

Texte complet disponible sur le site de la BNF : La bibliothèque numérique de la BNF

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