Nomper II, seigneur de Caumont

Nomper II, seigneur de Caumont, après avoir accompli le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle en 1417, se rend à Jérusalem en 1418 et 1419. Il a 27 ans lorsqu’il quitte son fief pour visiter la Terre sainte en humble pèlerin et ainsi accomplir le vœu de son père sur ces champs de bataille d’Orient où, plus de trois siècles auparavant, ses ancêtres, accompagnant Pierre l’Ermite et Godefroy de Bouillon, s’étaient signalés par des exploits dont les trouvères avaient perpétué la mémoire dans leurs chansons de geste, comme la Chanson d’Antioche.
Préparatifs du saint voyage
Avant de partir, le seigneur de Caumont notifie ses ordonnances afin que son peuple connaisse ses volontés : il règle ce qui doit se faire en son absence ; il recommande sa femme et ses enfants à la loyauté de ses vassaux. Il demande au clergé des prières publiques pour le succès de son voyage, et de le recommander au prône tous les dimanches ; il prie toutes les femmes de ses terres de dire pour lui, chaque samedi, sept fois l’Ave Maria ! En cas de mort, il désigne son fils aîné Nomper, ou à son défaut son second fils, pour son héritier universel. Il défend de croire la nouvelle de sa mort avant qu’elle ne soit prouvée, et un an seulement après qu’elle aura été annoncée.
Il laisse sa femme et ses enfants au gouvernement de son cousin, le comte de Foix. Enfin, après avoir indiqué toutes les mesures à prendre pour maintenir la paix sur ses terres et pour la conservation de ses places, châteaux et forteresses, il remercie ses sujets de l’affection qu’ils lui ont témoignée, ainsi que de leurs sacrifices pour l’assister dans son voyage, et les prie de lui pardonner s’il a fait quelque chose qui leur déplaise, comme il leur pardonne lui-même, de bon cœur, ce qu’ils peuvent avoir commis contre lui.
Après avoir ainsi pourvu à son absence, le seigneur de Caumont règle, par une convention particulière, les obligations que contractent envers lui ceux de ses écuyers qui doivent l’accompagner dans son voyage, et les engagements qu’il prend lui-même vis-à-vis d’eux. Les écuyers restant sur ses terres assistent à ce contrat pour le valider par leur témoignage.
Les écuyers sur le départ jurent donc sur les saints Évangiles de le servir loyalement, sain et malade, sans y rien épargner, et de ne point le quitter tant qu’il vivra ; ils s’obligent, en cas de querelle entre eux, à se demander pardon les uns aux autres, et à renoncer à tout mauvais dessein. De son côté, le seigneur de Caumont jure de ne jamais les quitter, si ce n’est en cas de mort ou bien de quelque grave maladie qui pourrait faire manquer son voyage, et alors il s’engage à leur fournir les moyens de se guérir et d’assurer leur retour. S’ils tombaient malades en revenant, la mort seule pourrait les séparer.
Recevoir les éperons de chevalier devant le tombeau du Christ était un privilège considérable, qui consacrait un acte de piété exceptionnel. C’est ainsi qu’Albert le Juste de Hohenzollern, considérait que son investiture à Jérusalem vers 1340 "couronnait son rang de chevalier." Aussi, au cours des XIVe et XVe siècles, de nombreux pèlerins vinrent à Jérusalem se faire adouber chevaliers du Saint-Sépulcre et parmi eux, des personnages importants, comme le Duc Frédéric d’Autriche en 1436, futur empereur Frédéric III.
Les chroniques qui ont été conservées rapportent que les adoubements individuels de chevaliers devant le Saint-Sépulcre se sont poursuivis tout au long des siècles. En 1806, Chateaubriand décrit dans les "Mémoires d’Outre-Tombe", la cérémonie de sa propre investiture, en la Basilique du Tombeau.
Adoubement au Saint-Sépulcre


Je demeurai toute la nuit devant le Saint-Sépulcre et je me confessai. Quand vint le lendemain qui était un samedi, le huitième jour du mois de juillet 1419, j’entrai dans cette chapelle où était le Saint-Sépulcre pour y entendre la messe de Monseigneur saint Georges. Après qu’elle fut achevée et que j’eus reçu Notre-Seigneur, le bon chevalier que je vous ai nommé ci-dessus me donna l’ordre de chevalerie et en signe, l’épée et les éperons dorés. Il me frappa cinq coups en honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur et un en honneur de Monseigneur saint Georges. Puis, le frère religieux qui avait chanté la messe et qui était encore vêtu de ses habits sacerdotaux, et le chevalier me baillèrent ladite épée toute nue en main, tandis que j’étais agenouillé, disant les paroles suivantes : que je prenne cette épée en honneur et révérence de Dieu et de mon seigneur saint Georges, pour garder et défendre la sainte Église et combattre les ennemis de la foi. Je la rengainai alors dans le fourreau que j’avais ceint.
Toutefois, on me fit auparavant promettre et jurer six choses sur ledit autel du Saint-Sépulcre, ainsi qu’il est accoutumé de faire à tous ceux qui en ce saint, précieux et digne lieu prennent l’ordre de chevalerie. Lesquelles dites choses s’ensuivent.
Voici les serments que font les chevaliers au Saint-Sépulcre de Notre-Seigneur à Jérusalem et que moi, Nomper, seigneur de Caumont, de Chateauneuf, de Château Cullier et de Berbéguières, ai fait pour le plaisir de Dieu le huitième jour du mois de juillet en l’an de l’Incarnation 1419 :

Premièrement, ils promettent de garder et défendre la sainte Église
Secondement, de l’aider de toute sa puissance à conquérir la Terre sainte
Tiercement, de garder et défendre son peuple et faire justice
Le quart, de garder saintement son mariage
Le quint, de ne pas être en lieu et place de faire une trahison
Le sixième, de défendre et garder les veuves et orphelins.
Après que Notre-Seigneur Jésus-Christ m’eut fait la grâce d’avoir fait et accompli les choses susdites, je fis mettre la bannière mes armes toute déployée en l’église du Saint-Sépulcre. À savoir un écu d’azur à trois léopards d’or onglés de gueules et couronnés d’or, laquelle fut mise au côté des armes du roi d’Angleterre. Et quand vint l’heure de prime, les Sarrasins vinrent à la porte de ladite église sainte et moi, ayant achevé entièrement par la grâce de Notre-Seigneur ce que je voulais et désirais ardemment, je m’en allais, m’en retournai dîner à mon logement dans la cité.
Présents de Terre sainte

Voici les présents achetés à Jérusalem et qui sont dans le coffre de cyprès :
- Un drap de damas rouge et un autre doré
- Une pièce de camelot noir
- Une pièce de satin blanc
- Une pièce de toile fine
- Une pièce de toile d’Inde rayée et une autre de toile blanche
- Une pièce de soie blanche
- Un pater noster d’ivoire blanc
- Six pater noster de musc noir
- Quatre cordes de pater noster de calcédoine et de cristal et quatre ceintures de soie blanche et de fil d’or qui sont les mesures du Saint-Sépulcre de Notre-Seigneur et de Notre-Dame
- Trois bourses de soie et de fil d’or
- Deux petits draps de soie et de fil d’or pour couvrir la custode de Notre-Seigneur
- Trente-huit anneaux d’argent qui ont touché au Saint-Sépulcre
- Douze croix d’argent surdorées et une calcédoine incrustée d’argent lesquels ont touché au Saint-Sépulcre et aux autres saintes reliques
- Une pierre précieuse de trois sortes de pierres incrustée d’or avec une perle, laquelle a touché au Saint-Sépulcre de Notre-Seigneur
- Une pierre précieuse qui est bonne pour les huiles
- Cinq serpentines, trois de couleur jaune et l’autre de couleur perse et blanche, et l’autre toute blanche, lesquelles sont bonnes contre le venin et une grosse croix dorée qui a touché au Saint-Sépulcre
- Vingt-sept croix de perle qui ont touché au Saint-Sépulcre
- Dix anneaux de serpentine ; cinq verts, les autres cinq pinaillés de la même couleur qui ont touché au Saint-Sépulcre et aux autres saintes reliques
- Des reliques de la Terre sainte de Jérusalem, où il y a de la colonne sainte où Jésus-Christ fut lié et battu et flagellé à la maison de Pilate ; du mont Calvaire où Jésus-Christ fut crucifié ; de la crèche où Notre-Seigneur fut posé entre le bœuf et l’âne ; du lieu où fut trouvée la vraie croix ; du sépulcre où madame sainte Catherine fut ensevelie ; de la porte dorée par laquelle Jésus-Christ entra le jour des Rameaux à Jérusalem ; des os de saint Barnabé et des onze mille vierges
- Une bourse de damas noir, dorée et brodée et écrite de fil d’or
- Deux paires d’éperons dorés dont une paire a touché au Saint-Sépulcre
- Quatre roses d’outremer qui ont touché au Saint-Sépulcre
- Sept paires de gants blancs de chamois
- Un chapelet d’or et un fermail d’or où il y a un rubis et huit perles
- Cinq coutelas de Turquie
- Quinze cordes de pater noster de cyprès et une de bois d’aloès
- Six bourses de fil d’or et de soie
- Des oiseaux de Chypre pour parfumer les chambres
- Trois caissons, l’un de cyprès et les deux autres de bois peint où sont une partie des présents susdits
- Une autre petite caissette de cyprès où il y a quatre boucliers de saint Georges de ma devise, ouvragés de fil d’argent et de soie
- Douze coutelas de Turquie
- Vingt-cinq bourses de soie
- Une fiole couverte de palme, pleine d’eau du fleuve Jourdain
- Quatorze bourses de fil d’or et de soie
Lesquels présents de ce pays, je portai pour donner à ma femme et aux seigneurs et dames de mon pays.Seigneur de Caumont - Voyage d’outremer en Jérusalem
Texte complet disponible sur le site de la BNF :
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