Pierre l’Ermite
au Saint-Sépulcre
Né au milieu du XIe siècle, Pierre d’Archères, dit l’Ermite, originaire des environs d’Amiens, se rend vraisemblablement en Terre sainte en 1095. Ému par les conditions faites là-bas aux pèlerins, il rencontre à son retour le pape Urbain II avant le concile de Clermont et il commence alors à prêcher avec succès le pèlerinage aux Lieux saints que l’on appellera plus tard « croisade ». En 1096, Pierre l’Ermite part pour Constantinople à la tête d’une troupe de près de 20 000 Lorrains et Allemands du sud, mais l’impréparation de l’expédition se solde par un échec cuisant. Lors du siège de Jérusalem en 1099, il organise les processions autour de la ville et inspire les prières d’intercession des clercs et du peuple. Après la prise de Jérusalem, il revient en Occident avec des reliques.
Dans son Histoire des croisades, Guillaume de Tyr relate la première visite de Pierre en Terre sainte et son entrevue avec le patriarche de Jérusalem qui réclame de l’aide pour pallier les déficiences de la protection des Byzantins :
Un appel au secours du patriarche de Jérusalem
Un prêtre nommé Pierre, né dans le royaume des Francs et dans l’évêché d’Amiens, ermite autant de fait que de nom arriva à Jérusalem. C’était un homme de très petite stature et dont l’aspect extérieur n’offrait qu’un aspect misérable : mais une force supérieure régnait dans ce corps chétif. Il avait l’esprit vif, l’?il pénétrant, le regard agréable, et parlait avec facilité et abondance. Selon la loi commune imposée à tous les chrétiens qui voulaient entrer, il acquitta à la porte de la ville le tribut qu’on exigeait, et reçut l’hospitalité chez un fidèle qui était lui-même au nombre des confesseurs du Christ. S’informant avec empressement de la situation des chrétiens auprès de son hôte qui était aussi un homme actif et zélé, il apprit de lui non seulement tout ce qui se rapportait aux malheurs présents, mais encore tous les détails des persécutions que leurs ancêtres avaient eu à supporter depuis de longues années. S’il manquait quelque chose à ce récit, le témoignage de ses propres yeux ne tarda pas à l’instruire complètement. Ayant fait quelque séjour dans la ville, et visitant toutes les églises, Pierre y trouva l’entière confirmation de tout ce que ses frères lui avaient raconté.
Comme il apprit aussi que le patriarche de Jérusalem était un homme religieux et plein de la crainte du Seigneur, il désira conférer avec lui de l’état présent es affaires, et s’instruire plus en détail sur quelques autres points. Il alla donc le trouver, lui fut présenté par un fidèle ami, et tous deux se réjouirent mutuellement de leurs conférences. Le patriarche s’appelait Siméon : reconnaissant au langage de Pierre que c’était un homme de prudence, rempli d’expérience dans les choses du monde, puissant par les uvres autant que par les paroles, il en vint bientôt à causer plus familièrement avec lui, et lui exposa en détail tous les maux qui affligeaient profondément le peuple de Dieu, habitant de la Cité Sainte. Pierre en l’écoutant se sentait ému d’une compassion fraternelle, et dans sa douleur il ne pouvait contenir ses larmes ? puis il demanda avec sollicitude si l’on ne pouvait trouver aucune voie de salut pour échapper à tant de calamités L’homme juste lui répondit :
« Pierre, nos péchés sont l’unique obstacle à ce que le Seigneur juste et miséricordieux daigne entendre nos gémissements et nos soupirs, et sécher nos larmes : nous n’avons point encore dépouillé complètement notre iniquité, aussi les fléaux du ciel continuent de nous frapper. Mais l’abondante miséricorde du Seigneur conserve encore intactes les forces de votre peuple, et là fleurit de tous côtés un empire formidable à nos ennemis. Si votre peuple, sincère serviteur de Dieu, animé d’une piété fraternelle, voulait compatir à nos calamités et nous procurer quelque soulagement, si du moins il voulait intercéder pour nous auprès du Christ, nous conserverions encore quelque espoir de voir prochainement le terme de nos misères. L’empire des Grecs, en effet, quoi qu’il soit beaucoup plus rapproché de nous, autant par les liens du sang que par les contrées qu’il occupe, et quoique les richesses y abondent, ne peut nous offrir ni sujet d’espérance ni motif de consolation. À peine se suffisent-ils à eux-mêmes : toute leur force s’est éteinte, ainsi que vous pouvez l’avoir entendu dire, mon frère, à tel point que dans l’espace de peu d’années, ils ont perdu plus de la moitié de leur Empire. »
Pierre l’Ermite devant le pape Urbain II
Pierre lui répondit : « Apprenez, saint père, que si l’Église romaine et les princes d’Occident étaient instruits par un homme actif et digne de foi de toutes vos calamités, il est hors de doute qu’ils tenteraient d’y apporter remède, autant par leurs paroles que par leurs uvres. Écrivez donc au plus tôt au seigneur pape et à l’Église romaine, aux rois et aux princes de l’Occident, et renforcez votre témoignage écrit de l’autorité de notre sceau. Moi, je ne me refuse point à m’imposer une tâche pour le salut de mon âme : avec l’aide du Seigneur, je suis tout prêt à les aller trouver tous, à les solliciter, à leur représenter avec le plus grand zèle l’immensité de vos maux, et à les prier chacun de hâter l’époque de votre soulagement. »
Cette réponse fut accueillie avec joie et parut satisfaisante au patriarche, aussi bien qu’aux fidèles qui l’entendirent. On rendit mille actions de grâces à l’homme de Dieu, et le patriarche lui remit l’écrit qu’il avait demandé.
Guillaume de Tyr - Histoire des croisades
Procession des croisés devant les murs de Jérusalem
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